Le phénomène actuel du tatouage touche les personnes de tous âges et de toutes catégories partout sur la planète. Bien que la pratique ne soit pas récente, elle atteint des sommets depuis un certain temps, à commencer par les stars comme David Beckham, Rihanna, Shy’m, Miley Cyrus et tant d’autres encore qui en sont accros, jusqu’à Monsieur et Madame Tout-le-monde chez qui cela va bien au-delà de la mode. Comment le tatouage est-il passé de pratique non-conformiste à pratique phare ? Voici quelques lignes pour retracer son origine et son historique qui permettront peut-être d’éclairer un peu plus sur le sujet :
Etymologie
Avant de retracer l’histoire du tatouage, commençons par l’origine de ce mot que tout le monde se plaît à prononcer sans pourtant en savoir réellement la signification. En effet, « tatouage » provient du tahitien « tatau ». Ce dernier est issu d’une expression : « ta-atoua » signifiant « ta » : frapper ou heurter, « atoua » : esprit. Les indigènes Tahitiens avaient comme coutume de se marquer le corps pour obtenir les grâces, les faveurs et la protection de leur propre esprit, l’âme et le corps, pour eux, étant étroitement liés.
Les origines de la pratique
D’après les vestiges en tous genres recensés (vases, poteries, peintures rupestres, figurines), il semblerait que la pratique du tatouage remonte à la préhistoire. A l’époque, le tatouage était déjà pratiqué un peu partout dans le monde, avec des significations variées selon les civilisations et les époques. Cela pouvait être symbole de hiérarchie, de preuve de courage, de signe de reconnaissance, de croyance, de signe de deuil, de servitude, de valeur rituelle, de procédé thérapeutique, de protection, d’identification, de repère, … Aussi, selon les périodes et les matières premières existants, les pigments et outils de tatouage étaient différents : épine de plante, objet tranchant, … avec des techniques diverses : piquage, drainage, brûlage, incision, … La technique par drainage consiste à insérer un fil enduit au préalable de pigment sous la peau ; quant au brûlage et à l’incision, ils étaient suivis du recouvrement de la plaie par du pigment, ce qui dessinait le motif. Comme pigment et fixatifs, on utilisait du noir de fumée, de la poudre à canon, de la poudre de pierre broyée, de charbon de bois, de plantes en tous genres, de jus d’herbe, de baies, d’huile végétale, de salive, d’urine, … En ce qui concerne le tatouage tribal, il était relié aux rites religieux et sacrés si bien que seuls les « leaders » pouvaient manier les outils de tatouage et réaliser les dessins.
Tyrol du sud
Le chasseur néolithique Ötzi, un homme des glaces, est décédé des suites d’une blessure de l’une de ses artères à l’épaule il y a 3 300 années avant Jésus Christ. Selon les légendes et les théories, cet homme serait mort assassiné durant une lute de pouvoir. Son corps a été retrouvé par deux randonneurs dans les Alpes italo-autrichiennes en 1991 et plus de 60 tatouages y a été recensés sous forme de traits et de croix. Il semblerait que neuf d’entre ces traces correspondent à des points d‘acuponcture. Si telle est la vérité, alors les tatouages ont été réalisés à des fins thérapeutiques.
L’ancienne Egypte
En Egypte, la femme d’Amunet, une prêtresse d’Hathor la déesse de la Joie et de l’Amour de la mythologie égyptienne, a été retrouvé à Thèbes. Sur la momie, âgée alors d’à peu près 4000 ans, des lignes et des points tatoués ainsi que des scarifications ont été remarqués au niveau des jambes, des bras et sur le nombril. Une seconde momie, probablement danseuse, avait des losanges tatoués sur ses avant-bras et sur sa poitrine. Il parait que les danseuses, les prostitués, ou encore les musiciens portaient l’effigie du dieu Bès sur le hat de leur cuisse en tatouage afin de conjurer le mauvais sort. Ce dieu Bès est représenté sous forme de nain barbu difforme avec des jambes arquées, et un visage grimaçant. Il symbolise la protection de la sexualité, de la naissance, et sa magie protègerait également contre les forces du mail, les maladies, et les dangers.
Outre la fonction protectrice et esthétique des tatouages, on leu apprêteraient également des liens avec la fertilité. Une femme qui attend à nouveau un enfant après en avoir perdu un se faisait tatouer un point au milieu du front et sur la face externe de la cheville gauche de l’enfant. Ils symbolisent le barrage et la victoire contre la mort.
Les tatouages avaient également des fonctions préventives ou curatives contre certaines maladies. Via une croix tatouée sur le front ou un oiseau sur le bord externe de l’œil, les maux de tête et la faiblesse d’esprit étaient guéris.
On distinguait aussi les tatouages figuratifs, à but religieux ou superstitieux, comme l’était le poisson, symbole de fertilité, de chance, de protection, ou le point ainsi que le cercle qui avait des pouvoirs dits magiques.
Scythes
Un homme Scythe, ou du moins sa momie, a été retrouvée en 1948 sur un site archéologique de Pazyryk, en Sibérie méridionale sur le versant oriental de l’Altaï. Elle était âgée de 2300 années et était ornée de tatouages complexes. On estime que l’homme était de race noble de par la taille de sa tombe. Les tatouages sont très sophistiqués. Ils représentent des animaux fabuleux. On connait les Scythes comme étant de grands cavaliers, des guerriers redoutables et fiers.
Pays celtiques
Dans les pays celtiques, c’est-à-dire, la presque totalité de l’Europe, l’orfèvrerie était un art riche duquel était issu des motifs propres aux peuples celtiques à l’exemple du triskèle. Les natifs des peuples celtes, comme les Celtes, les Gaulois et surtout les Pictes, avaient des tatouages. Les Pictes étaient un peuple des Highlands d’Ecosse qui combattit avec les Romains. Leurs guerriers arboraient énormément de tatouages et ils avaient comme habitude de se battre nus. C’est au vu de leurs tatouages que les Romains s’enfuient si bien qu’ils pensaient que ces motifs leur conféraient une certaine immunité. D’ailleurs, leur appellation provient du mot « Picti » signifiant hommes peints. Jules César cita même leurs tatouages noirs et bleus. L’iconographie des tatouages celtes en général avait énormément de formes animales à l’exemple du chien, du bœuf, du sanglier, du cerf, … mais aussi de formes des éléments de la nature comme les feuilles, les fleurs, ou le chêne.
Grèce et Rome antique
C’est par l’intermédiaire des Perses que les Grecs connurent le tatouage. En effet, étant ennemis, les Grecs avaient un certain mépris contre les Perses avec tout ce qui pouvait provenir de leur culture, dont le tatouage. Ils utilisèrent pourtant ce dernier comme punition de leurs ennemis devenus prisonniers et esclaves. Ensuite, les Grecs transmirent cette pratique aux Romains. Le marquage s’était ensuite étendu aux mercenaires pour qu’ils ne puissent pas déserter. Quelques soldates de la légion romaines demandèrent aussi à être tatoués pour faire comme les Pictes et effrayer l’ennemie lors des combats.
Le triangle polynésien
Sur toutes les îles du triangle polynésien, le tatouage a toujours été une pratique très répandue. Ces îles regroupent Hawaï, l’Ile de Pâques, et la Nouvelle-Zélande. Dans leur culture, le tatouage représentait l’habillement, le langage, le pouvoir, le courage, la force, la gloire, la distinction sociale, mais aussi un certain attrait érotique. Certains motifs avaient même comme vocation de protéger l’homme de la perte de son mana ou force divine, responsable de la santé, de la fertilité et de l’équilibre. L’art du tatouage était ainsi sacré et réservé uniquement aux adeptes à l’instar des shamans maîtres de cérémonies religieuses. On considérait ainsi les tatoueurs comme étant des personnes d’une haute importance. On méprisait ainsi les hommes non tatoués tandis que ceux dont le corps était recouvert de tatouages étaient considérés comme ayant une certaine prestige. La cérémonie du tatouage était un rituel pratiqué au son des flûtes, des tambours, des chants et des coquillages.
Lorsque le navigateur anglais James Cook jeta l’ancre de son navire dans la baie de Matavai en 1769, les marins occidentaux, fascinés par les tatouages tahitiens, s’essayèrent à cet art, introduisant ainsi le marquage corporel en Europe dès leur retour. En 1819, le roi Pomaré II introduit le code Pomaré à Tahiti suite à sa conversion au protestantisme par les missionnaires. Les mœurs étaient ainsi modifiées, surtout celles considérées comme immorales, à l’instar du tatouage. Ce n’est que vers 1980 que ce dernier revint et renaquit en Polynésie française.
Nouvelle Zélande
La Nouvelle Zélande, elle, doit son art du tatouage à la culture Polynésienne. A l’époque, les artistes tatoueurs avaient une certaine distinction et étaient fort respectés dans la société. Les Maori (peuple indigène de la Nouvelle Zélande) d’un rang élevé dans la société avaient tous des tatouages. On se moquait ainsi de ceux qui n’en avaient pas. On initiait les plus jeunes à cet art à partir de la puberté afin de marquer le passage de l’enfance à l’âge adulte. Il s’agissait d’un rituel sacré orné de chants et de musique. Comme la tête est pour les maori la partie la plus sacrée du corps, les guerriers se tatouaient l’ensemble du visage pour se rendre attirant auprès des femmes ; il s’agit du Moko du visage ou tatouage traditionnel facial complet. Plus tard, cette pratique devint un motif de décapitation mais depuis les années 90, le tatouage traditionnel maori est revenu au goût du jour.
Amérique
Les Mayas, peuple amérindien du Guatemala et du Mexique, portaient des tatouages pour prouver leur courage. Même les prêtres portaient beaucoup de tatouages afin de se rapprocher, disaient-ils, des dieux. Dans la religion Aztèque, on dédiait les tatouages au dieu du soleil et de la guerre. Dans cette tribu, même les enfants se tatouaient car cela était un signe de distinction. En 1920, on découvrit des momies tatouées au Pérou. Elles appartenaient à une civilisation appelée Chimu et datent du 11ème siècle. D’après les études réalisées sur celles-ci, les pigments avaient été inséré avec plusieurs sortes d’aiguilles : plume de perroquet, arête de poisson ou encore coquillage épineux. On estime que plus de 50% de cette population étaient tatoués. En Amérique du Nord, le tatouage était connu sous forme de peinture corporelle pouvant même remplacer les vêtements. Cette pratique était très répandue. Par ailleurs, on se marquait le corps pour indiquer une appartenance à une tribu. Des tribus pensaient que lorsqu’une personne meurt, l’esprit emporte les tatouages et l’honneur avec lui. Chez les Sioux, on prouvait le courage en se faisant ancrer au tatouage. Les Chickasaws, de vaillants et fiers guerriers, étaient aussi très tatoués, tout comme les chefs Timucas, les Natchez, la tribu Haïda ou encore les Inuits.
Japon
Au Japon, l’art du tatouage ou horimono, est connu sous plusieurs appellations :
– L’irézumu désigne le tatouage traditionnel recouvrant une grande partie du corps, allant même jusqu’au tatouage intégral. Il s’agit de véritable œuvre d’art mettant des années avant d’être finalisé.
– L’irebuko est un tatouage que les amoureux se font en guise de souvenir de leur amour. On inscrivait alors le prénom de la personne aimée à l’intérieur de la cuisse ou du bras avec l’idéogramme vie. Les prostituées s’adonnaient également à ce type de tatouage.
– Le kakushibori signifiant tatouage caché que l’on considéré comme péjoratif.
Chine
En Chine, on méprisait le tatouage car on le considérait comme étant une offense infligée au corps. On l’y utilisait même pour marquer les malfaiteurs et était ainsi considéré comme une des plus grandes punitions. Toutefois, certaines ethnies s’adonnaient tout de même à cette pratique comme faisant partie de leur culture. Même aujourd’hui encore, le tatouage n’est toujours pas perçu comme partout ailleurs dans le monde mais commence à se faire de mieux en mieux accepter.
Bornéo
Les guerriers Dayak de Bornéo s’ornaient de tatouages racontant leurs origines, leur courage, leurs conquêtes et leur rang social. La pratique était sacrée et faisait partie intégrante de leur culture. On ne réalisait pas de tatouage à n’importe quel moment ; il fallait que ce soit durant la période suivant les récoltes ou pendant une pleine lune. L’art du tatouage se transmettait d’une femme plus âgée à une autre et ainsi de suite.
Afrique
En Afrique, une peinture rupestre est la plus ancienne représentation d’un corps tatoué. Il s’agit de celle de la Dame blanche qui date de 6000 ou 7000 ans avant Jésus-Christ. On retrouva cette peinture dans le Tassili N’Ajjer. En Afrique du Nord, on pratiquait le marquage du corps pour conjurer le mauvais sort et ainsi prévenir le mal ou les maladies. On se tatouer également en signe de distinction sociale. Par ailleurs, il s’agissait de rituelle protectrice qui servait par la même occasion d’ornement du corps.
Europe
Dans la Rome antique, les gens récemment convertis au christianisme se tatouaient les mains et les bras ou parfois même le front avec des signes et symboles religieux à l’instar d’un cerf, d’un triangle ou un poisson et bien sûr le Christ. En 313, l’empereur Constantin, lui aussi converti au christianisme, interdit pourtant le marquage du visage. C’est le pape Adrien 1er interdit totalement le tatouage en 787, surtout ceux d’inspiration païenne. Malgré cela, la pratique continua tout de même à persister jusqu’aux Croisades où elle prit un nouvel essor. En France, on usait le tatouage pour marquer l’acceptation d’un apprenti au rang de compagnon. Aussi, les motifs de tatouages dépendaient plus tard du métier exercé par la personne. Pour un cordonnier, une botte, pour un maçon, une truelle, pour un coiffeur, une paire de ciseaux, pour un armurier, un fusil, pour un boulanger, du pain, etc. Les criminels et voleurs, ainsi que les autres tolards, étaient également marqué au corps pour les identifier. Ce type de marquage punitif est également appliqué en Angleterre plus tard.